POESIE
Toi, ma belle comète.
Par une nuit de mars tu nous es apparue,
Petit disque laiteux sur le fond noir du ciel.
Tu venais de bien loin, si loin du fond des nues,
On croyait voir en toi une étoile nouvelle.
Mais tu n'es qu'un caillou de poussière glacée,
Qui embellit mes nuits de ta présence amie.
Rien que pour le bonheur de t'admirer,
Je veux, par la pensée, te dire un grand merci.
Je te vois à l'oeil nu, puis braque mes jumelles,
Et là c'est fabuleux, je vois ton coeur brillant
Et ce halo de gaz qui autour étincelle
Et la longue traînée que tu laisses en fuyant.
Chaque nuit tu avances au-dessus de nos têtes,
Et bientôt nos regards te chercheront en vain.
Tu nous auras quittés, toi ma belle comète
Partie dans l'infini accomplir ton destin.
Et quand tu reviendras dans des millions d'années,
Y aura-t-il encore des hommes sur la Terre
Qui lèveront les yeux, le soir, pour regarder
Ce spectacle si beau que tu nous as offert?
Juju 1997
LE SOLEIL ET LA COMETE
Dans le nuage où tu naquis,
Il y a des milliards d'années,
Dans les bras de la galaxie,
De tes compagnes entourées,
Tu avais cru faire ton nid
Car tu ne savais pas encore
Que déjà bien loin dans l'espace,
Se préparait comme un décor,
Qui peu à peu prenait sa place,
Notre Etoile, notre Soleil d'or
Voici que du fond de ta nuit,
Il te fit signe, il t'appela
Et tu en fut si éblouie
De tant de force, il t'attira,
Que, sans réfléchir, tu partis
Tu entrepris le long voyage
Et en une course sans fin,
Frôlant planètes et nuages,
Afin d'accomplir ton destin,
Fila vers lui du fond des âges
Et depuis ce temps sur la Terre
Les hommes attendent ta venue
Qu'ils la craignent ou bien qu'ils l'espèrent
Ils te guettent du fond des nues
Toi, si fidèle, à ta manière
Quand ton soleil paraît s'offrir,
Pour toi, c'est la fin du voyage,
Et tu crois mourir de plaisir,
Lorsque tu le frôle au passage
Mais déjà, tu dois repartir
Il faut que continue ta ronde
Pour que chaque homme dans sa vie,
Au moins une fois, en ce monde,
Puisse contempler, ébloui,
Ta belle chevelure blonde
Puis, tu repars vers l'infini
Emportant des hommes les rêves
Que dans leurs coeurs, ils te confient
Sachant, qu'avant que tu reviennes,
Ils seront tous en paradis.
Juliette Brémond
Mars 1986
Passage de la comète de Halley
LA BATTEUSE
Un soir d'été, on ne sait d'où, elle arrivait
Tirée par un engin bruyant et cahotant
Et dans la cour, près du gerbier, on l'installait
Tandis que, tout autour, se pressaient les enfants
Le lendemain, dès l'aube, les hommes du hameau
Chacun, selon sa force ou son habileté,
Ayant juste le temps de boire un café chaud,
Tous ensemble et heureux, venaient battre la blé
Tandis que le plus jeune, comme au mât de cocagne
Avait déjà grimpé tout en haut du gerbier
Un grondement puissant ébranlait la campagne
Le plus vieux attendait déjà dans le grenier
Et voilà, tout à coup, tout est en mouvement
Les poulies, les courroies et tous les engrenages.
De toutes les mâchoires de ce monstre géant
Monte un grand bruit perçu de tout le voisinage
Dans la gueule du monstre et toute la journée,
La récolte sera jetée, gerbe après gerbe
Et quand viendra le soir, là-haut, dans le grenier
On pourra être fier de tout ce grain superbe
Quand tout est terminé, vient l'heure de détente
Les langues se délient, on chante, on parle haut
Et quand arrive enfin la soupière fumante,
Tous autour de la table, goûtent enfin le repos
Sachant que dès demain, tout va recommencer
Chacun rentre chez soi, tout heureux, mais fourbu
Car avant de pouvoir enfin, se reposer,
Tout le blé du hameau devra être battu
Puis elle s'en ira, quand du dernier gerbier,
Elle aura avalé toutes les gerbes d'or
Que le blé odorant, emplira les greniers
Les enfants, dans le soir, voudront la suivre encore
Juliette Brémond
Juillet 1982. Grimaud
LES PASSAGERS DES SOLITUDES
Les passagers des solitudes,
Sous les étoiles, yeux grands ouverts,
Goûtent le repos, en prélude
A la nuit et à ses mystères.
Dans cet infini du silence,
Le ruban de la voie lactée,
Tout brillant de mille nuances
Semble là pour les protéger
Puis les premiers feux de l'aurore
Dans l'air vif et frais du matin,
Frôlent la dune et la décorent
De reflets de moire et satin,
La piste est là qui les appelle
A travers ces immensités
Où l'on ne peut voir que le ciel
Et les rochers déchiquetés
Tantôt c'est un oued ensablé
Empli de touffes odorantes
Que les chameaux viennent brouter
Et d'arbustes à feuilles piquantes
Tantôt, et jusqu'à l'horizon,
D'immenses champs de lave noire
Sans un mouvement, sans un son
Sans rien qui ressemble à l'espoir
Seuls, loin de la multitude
Le désert s'ouvrant devant eux
Les passagers des solitudes
S'en vont toujours vers d'autres cieux
Sur les regs immenses et pierreux
Ou sur le sable chaud qui crisse
Ils s'en vont, libres et heureux,
Soleil et vent font leurs délices
Jours après jours, nuits après nuits,
Ils croiront être seuls au monde,
Toujours en quête d'infini,
De sable ocre en dune blonde
Puis viendra la dernière nuit
A guetter les étoiles filantes
Dernières heures, rien, aucun bruit
Pour la fin de leur vie errante
Au matin ils s'envoleront,
Vers leur pays, leurs habitudes,
Mais dans leur coeurs ils resteront
Les passagers des solitudes.
Juliette Brémond
(Sud algérien 21 novembre 1988)
LES TOUAREGS DE L'AIR
Le soleil a dardé si fort
Qu'au soir, il n'a plus de rayons
Il est là, comme un astre mort,
Juste posé sur l'horizon
Puis tout à coup, il disparaît,
Happé par la brume de sable
Heure de douceur et de paix,
Ombre pas encore redoutable
Quand apparaît, au loin, tranquilles
Se profilant dans le couchant,
Deux longues ombres immobiles,
L'homme et son beau méhari blanc
Deux hautes silhouettes noires
S'affairent autour d'un feu de camp,
Préparant la bouillie du soir,
Qu'attendent, avides, les enfants
Un chameau blanc, deux ânes gris
Pour donner le lait, quelques chèvres
Une pauvre hutte pour abri
Et dans leur cœur, un peu de rêve
Ils ne craignent, ni la chaleur,
Ni le froid vif des nuits glaciales,
Ni du sirocco, la touffeur,
Ni le vent de sable infernal
Ils vivent là, seuls sur la terre
Leur richesse est la liberté,
Le père, les enfants et la mère,
Derniers survivants du passé
Et sous la clarté des étoiles,
La famille s'endormira
Quand , sur elle, étendra son voile
La grande nuit du Sahara
Juliette Brémond
Novembre 1987 Au cœur du Ténéré ,