(Il est conseillé
de lire les annexes, avant de commencer la lecture de l’article)
Ils sont drôles les astrophysiciens,
avec leur espace temps ! L’espace temps à quatre dimensions ! Pour les
trois dimensions d’espace habituel, haut et bas, droite et gauche, avant
et arrière, c’est facile à comprendre. Mais pour la quatrième dimension,
le temps, c’est une autre affaire !
Je sais mesurer dans l’espace : Je
prends mon mètre étalon et, en le promenant dans l’espace, je peux le
comparer avec les objets ou distances à évaluer. Par contre, on a bien
fouillé dans tous les tiroirs et sous les armoires au pavillon de
Breteuil, on n'a pas trouvé de seconde étalon, en platine iridié !
On pouvait s’y attendre, le temps
n’étant pas matériel, il était difficile d’en faire une représentation
concrète.
Nos chers penseurs de la Grèce antique
pensaient que le temps c’était le mouvement. Le temps était comme créé par
la rotation de la sphère des fixes. Plus tard vint la définition de
l’heure, de la minute puis de la seconde. La définition de la seconde fut
établie comme la 1/86400ème partie du Jour (24x60x60=86400). Le
Jour étant la durée d’une rotation terrestre (synodique, pas sidérale),
toujours le mouvement pris pour mesurer le temps.
Par la suite, on a utilisé le mouvement
du balancier pour avoir l’heure de façon plus commode. De nos jours, nous
ne sommes pas plus avancés, la mesure du temps est officiellement la durée
de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition
entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de
césium 133. En utilisant une technologie très avancée, nous avons donc une
mesure d’une précision énorme mais la philosophie reste la même, nous
avons toujours une mesure qui est une comparaison avec un mouvement.
Le mètre étalon a récemment perdu son
aspect matériel. Sa définition n’est plus la mesure bien concrète de la
dix millionième partie du quart du méridien terrestre, comme l’avaient si
bien vérifié Méchain et Delambre. Elle est devenue 1 650 763,73 fois la
longueur d’onde dans le vide de la radiation correspondant à la transition
entre les niveaux 2 p10 et 5 d5 de l’atome de
krypton 86 ( ! ! !), puis la longueur du trajet parcouru par la lumière,
dans le vide, pendant une durée de 1/299 792 458 seconde. Nous retrouvons
la seconde dans la définition du mètre. Le mètre étalon est donc fonction
d’une entité ténébreuse, la lumière, et d’une mesure incorporelle, le
temps, elle-même définie indirectement en observant une vibration. On ne
fait pas plus virtuel ! On remarque aussi que le mètre est devenu une
double comparaison avec le mouvement, puisque fonction du temps et du
déplacement du photon. De là à dire que le mouvement est l’essence de
l’Univers ! ! ! Difficile à admettre pour nous qui avons besoin d’essence
pour nos mouvements. Nous voilà revenu à l’idée du temps créé par le
mouvement, chère à nos ancêtres.
Récréation :
Fabriquons nous même notre mètre étalon.
Se munir de : Une barre de platine
iridié (un tasseau de 20x20 en pin fera aussi bien l’affaire), une lampe
de poche, une craie, un atome de césium, une scie, du vide.
Poser le tasseau sur la table de la
cuisine, remplir la pièce de vide, placer la lampe de poche en bout du
tasseau et l’allumer. Observer alors l’atome de césium et compter les
transitions entre les deux niveaux hyperfins de son état fondamental. Au
bout de 30,66331899 transitions, faire une marque à la craie sur le
tasseau à l’endroit exact ou se trouvent les photons émis par la lampe.
Couper à cet endroit avec la scie. Vous voilà en possession d’un mètre
étalon dont vous pourrez authentifier l’exactitude.
Soyons sérieux et revenons au temps.
Je voulais une seconde étalon bien
matérielle pour pouvoir mesurer des durées. A bien y réfléchir, j’en
serais bien embarrassé. Si je veux mesurer le temps parcouru par un
coureur de 100m, comment placer ma règle (graduée en seconde) avec un bout
au moment du départ, et un bout au moment de l’arrivée ? Quelle drôle de
dimension, le temps ! Pour le mesurer, il me faut une règle dont un bout
se trouve dans le passé et l’autre bout dans le futur.
Essayons de comparer la mesure du temps
à la mesure de l’espace : C’est un peu comme si je devais mesurer une
longueur, avec une règle dont je ne peux observer qu’une seule graduation
à la fois, et que je ne peux parcourir que dans un sens et qu’une seule
fois.
Je m’explique : Je ne vois qu’une seule
graduation car seul un instant sur ma règle, le présent, m’est accessible.
Je ne peux la parcourir que dans un sens car je n’ai pas le pouvoir de
remonter le temps. Enfin, je ne la parcoure qu’une seule fois car le temps
passé ne revient plus.
Voilà le problème bien posé. Le temps
est une dimension sur laquelle nous n’avons aucune maîtrise. Seul un point
du déroulement du temps nous est apparent ; le présent. Le passé n’existe
que dans le souvenir que nous en avons dans l’instant présent. Le futur
n’existe que dans l’imagination que nous en avons dans l’instant présent.
Pour devenir réalité, le futur doit passer par le présent, mais devient
aussitôt le passé. Seul le passé ne passe pas. Notre bon Saint Augustin
avait bien raison de dire que seul le présent existe et qu’il est éternel.
Eternel car c’est toujours lui que nous vivons continuellement.
Nous n’avons pas le pouvoir de remonter
le temps, c’est ce que l’on nomme la flèche du temps. Il faudra attendre
le 19ème siècle et les lois de la thermodynamique pour que
cette flèche du temps apparaisse dans les équations des physiciens. Avant
cela, remonter le temps ne posait pas de problème. Par exemple, on peut
aussi bien calculer l’heure d’arrivée d’un train en connaissant l’heure de
départ et sa vitesse, que calculer l’heure de son départ en connaissant
son heure d’arrivée. En thermodynamique il est par contre facile de
plonger un glaçon dans un pot d’eau bouillante, mais difficile, partant
d’un pot d’eau tiède, d’en extraire un glaçon, l’eau étant alors devenue
bouillante. Preuve que le temps ne peut être inversé. La thermodynamique
nomme cela l’entropie. L’entropie va toujours en augmentant. Au départ
faible, eau chaude et glace, à un état de désordre plus grand, mélange de
la glace et de l’eau bouillante.
C’est Leibniz qui nous a dit que
l’espace et le temps n’avaient pas de réalités. Ce sont des concepts de
relation permettant de situer géométriquement et chronologiquement. En
effet, le temps éternel est formé d’instants qui n’ont pas de durée.
Comment alors lui donner une réalité.
D’autre part, Kant définit les choses
ainsi : Espace et temps ne peuvent être le contenu d’une expérience. Par
contre, toute expérience ne peut se faire que dans l’espace et dans le
temps.
Conclusion
Un jour peut être, la science ou la
philosophie nous donnera une définition plus satisfaisante pour nos
esprits, du temps et de sa mesure. Un grand bouleversement culturel s’en
suivra sûrement. Mais il y a plus à parier que ce soit nous qui devions
nous adapter à des idées qui nous sembleraient irréelles. Encore faut’il
que nous soyons près, intellectuellement, à cet exercice qui est
d’appréhender des idées nouvelles. La relativité générale aura bientôt
cent ans, mais très peu nombreux sont ceux qui pourraient prétendre en
avoir compris les principes.
De là à penser que le fonctionnement de
notre Univers n’est pas accessible à nos pauvres neurones ! ?
Claude FERRAND
Annexes
1795 Le mètre est défini comme la
dix millionième partie du quart du méridien terrestre. La première
définition du mètre a été édictée par le décret de l'Assemblée du 1er août
1793, il représentait la longueur du dix millionième du quart du méridien
terrestre symbolisé par un étalon en mousse de platine aggloméré de
section rectangulaire.
1889 En 1899, la 1ère Conférence
Générale des Poids et Mesures sanctionna le prototype du mètre choisi par
le Comité International des Poids et Mesures et déclara : "Ce prototype
représentera désormais, à la température de la glace fondante, l'unité
métrique de longueur."
Le mètre était défini par la distance à
0°C entre deux traits gravés sur le prototype, en platine iridié à section
en x, déposé au Bureau International des Poids et Mesures (Pavillon de
Breteuil). Cet étalon servit de base de référence internationale jusqu'en
1960.
1960 La définition du mètre
change avec les moyens optiques. Le mètre est alors défini comme la
longueur égale à 1 650 763, 73 longueurs d’onde dans le vide d’une
radiation orangée émise par l’isotope 86 du krypton. La relative
imprécision de la précédente définition, 0,1 mm sur 1 mètre, a mené à la
recherche d'une nouvelle définition du mètre. La précision de cette
nouvelle était estimée être 100 fois supérieure à celle de la précédente.
1967 La seconde est définie comme
la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la
transition entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de
l'atome de césium 133.
1983 La définition adoptée le 20
octobre 1983 est la suivante : "Le mètre est la longueur du trajet
parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de 1/299792458 s.
Sa précision potentielle est celle de l'unité de temps 100 000 fois
meilleure que celle de l'unité de longueur fondée sur le krypton et elle
pourra sans doute être encore améliorée. Cette nouvelle définition
s'appuie sur une constante physique universelle et non plus sur un objet
matériel ni même sur une radiation émise par une substance particulière.
Elle aurait donc de très bonnes garanties de pérennité.